View of the exhibition Eat The Plastic, 2023
Gallery AL/MA
Mona Young-eun Kim avait présenté en 2021 à la galerie AL/MA une installation - Doublage - par laquelle le spectateur était invité à explorer les modalités d’interprétation des signes visuels dans l’espace urbain.
Le nouveau projet de Mona Young-eun Kim consiste, en un récit dystopique, à imaginer l’extinction de l’Homo Sapiens et l’émergence d’une nouvelle espèce Plasticus Humanimalia. C’est la suite de son travail Plastic Drinker sur campagnes publicitaires et les objets-sculptures qui encouragent les gens à devenir des buveurs en plastique pour survivre. L’exposition prend la forme d’un inventaire d’organes (cœur, poumon, cerveau, etc.), représentés à l’échelle 1, en résine, laissant voir des résidus de plastique intégrés. Ces sculptures sont disposées sur des tables rétroéclairées, des négatoscopes empruntés à des cabinets de radiologie. Trois vitraux représentant les molécules du PVC, du polystyrène et du PET viennent compléter ce musée d’anatomie imaginaire.
L'observation de ces objets artistiques place le spectateur dans une situation contradictoire, entre fascination et désespoir, devant la préfiguration de la fin annoncée de l’humanité. Selon les études les plus récentes sur les flux de déchets plastiques, il faut savoir qu’en l'espace d'à peine deux décennies, la production annuelle de déchets plastiques dans le monde a doublé, passant de 180 millions à plus de 350 millions de tonnes, (Cf. le dernier rapport de l’OCDE : Global Plastics Outlook). Une grande partie de ces déchets reste mal gérée, voire pas du tout. À l'échelle mondiale, près du quart d'entre eux (22 %) finit dans des décharges à ciel ouvert ou se retrouve dispersé dans la nature ou les océans. Seulement 9 % sont recyclés.
Plasticus Humanimalia -Séries Cerveau et Coeur I, 2022, résine, plastique, pièce unique.
Mona Young-eun Kim propose une forme aussi caustique que radicale de la situation : L’humanité, qui ne peut plus gérer un système de recyclage écologiquement durable, est obligée de se nourrir exclusivement de cette substance artificielle. Dans l'imaginaire de l'artiste, c'est l'acte qui, consciemment mis en œuvre, conduira l'espèce humaine à son extinction. Pas avant une tentative désespérée d'adaptation, cependant.
Marie-Caroline Allaire-Matte - Directrice de la Galerie AL/MA